Le Square Montsouris
Cette petite voie privée ouverte à la circulation publique (soixante numéros) a été créée dans les années 1920-30 sous forme de lotissement. Elle est située dans le XIVe Arrondissement, quartier du Petit Montrouge (c’est-à-dire sur le territoire d’un des anciens villages annexés à Paris sous Napoléon III, dans une zone jadis presque dénuée de constructions, et située sur d’anciennes carrières. L’on peut la situer dans un triangle délimité au nord par La place Denfert-Rochereau, au sud-est par la Cité Universitaire et au sud-ouest par la Porte d’Orléans. La voie, d’une longueur de 207 m, est bordée de jardinets. Elle donne d’un côté sur la rue Nansouty, qui longe le Parc Montsouris, et de l’autre sur l’avenue Reille, face au Réservoir de La Vanne, l’une des réserves d’eau de Paris. D’est en ouest, elle se compose d’une pente douce (« le bas ») côté Parc, d’un « plateau » qui se termine par un léger tournant, et d’une pente un peu plus rude terminée elle aussi par un tournant, côté avenue Reille.
Le Square Montsouris est composé de pavillons individuels. Vingt-huit sont des « HBM » (habitations à bon marché – à l’époque – construites en faveur de personnes à revenus modestes), qui devaient obligatoirement être édifiées en briques rouges ou ocre. Les autres, dont le N°40, ont été bâties à l’initiative de particuliers, et selon la fantaisie de chacun. Divers styles (atelier d’artiste, construction classique, moderne ou exotique), et éléments d’architecture (façade en pierres, en briques ou en crépi, colonnes, toîts et terrasses) sont représentés, et donnent une grande variété d’aspect à la rue.
Le plus célèbre pavillon du Square est le dernier numéro impair, qui fait l’angle avec le 51 avenue Reille : construit par l’architecte LE CORBUSIER pour son ami le peintre OZENFANT, qui lui avait demandé une « usine à habiter », il est représentatif du cubisme des années 20. Sa surface intérieure est très vaste ; l’extérieur a subi quelques modifications (l’on signalera aussi, aux abords immédiats de l’autre extrêmité du Square, au 14 rue Nansouty, une autre construction remarquable, également inscrite à l’inventaire, la maison GUGGENBUHL, construite par l’architecte André LURCAT , qui comporte une terrasse et un jardin suspendu).
Loin d’être un habitat coûteux et recherché, le square avait, à ses débuts, une population « mixte », et parfois modeste. Signalons aussi la présence d’artistes (est-ce l’attraction de Montparnasse ?) parmi les habitants, comme, pour ne citer que des défunts, les peintres FUJITA, Roger BISSIERE et Jean CHAPIN, les peintres et graveurs Fernand et Claude HERTENBERGER, et le sculpteur Claude BOUSCAU (cf.infra), ainsi que de savants comme les professeurs Alexandre MONNIER, physiologiste, SIBERT, spécialiste de droit international ou Yves BOUVRAIN, cardiologue…
Le square Montsouris est, dans son entier, inscrit à l’inventaire complémentaire des sites classés (arrêté du 6 août 1975). Les petites rues composées de pavillons sont relativement rares à Paris , où l’habitat collectif domine largement. Signalons cependant, sans souci d’exhaustivité, dans le XIVe, à faible distance, la rue Georges Braque et la Villa Seurat.
Le « 40 » Square Montsouris.
Remarqué par la presse, voire par le livre, et souvent photographié par les touristes, le « 40 » Square Montsouris est l’œuvre de l’architecte Gilles BUISSON (comme le numéro 6) et date de 1923. La maison n’a guère été modifiée depuis l’origine, en dehors de l’installation d’une rampe (entrée du rez-de-chaussée surélevé) et d’un balcon en fer forgé qui ont remplacé des éléments en bois. La maison n’a ni sortie ni jardin sur l’arrière.
Le style du bâtiment est inspiré de l’apparence des anciennes maisons à colombages telles que l’on en trouve dans le Marais (rares à cause des risques d’incendie) ou dans diverses villes de province (Rennes, Tours, Strasbourg…) L’architecte ne s’est cependant pas interdit un certain éclectisme et des emprunts à des styles plus modernes (bas de la maison en pierre avec sa fenêtre ronde, forme de la toiture…)
L’on peut remarquer les vitraux qui ferment la grande fenêtre du rez-de-chaussée surélevé. L’aménagement intérieur de la maison fait une large place au bois.
L’on peut remarquer les vitraux qui ferment la grande fenêtre du rez-de-chaussée surélevé. L’aménagement intérieur de la maison fait une large place au bois.
Cette maison a connu trois propriétaires depuis son édification : l’architecte, Gilles BUISSON lui-même, Madame MARCERON et Madame BOUSCAU sa fille, épouse du sculpteur Claude BOUSCAU (qui a vécu en cet endroit des années 1940 jusqu’à sa mort, en 1985).
Le Sculpteur Claude BOUSCAU (1909-1985)
Claude BOUSCAU est né à Arcachon (Gironde), dans une famille de marins, en 1909. Son talent artistique fut découvert par l’architecte André MAURICE, sur les conseils duquel il étudia aux Beaux-Arts de Bordeaux, à l’Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs de Paris et aux Beaux-Arts de Paris (atelier Henri BOUCHARD) En 1935, à sa première tentative, il obtint le Grand Prix de Rome de Sculpture (il s’agissait du plus haut titre de l’enseignement supérieur en matière artistique, décerné par concours). Il fut ensuite pensionnaire à la Villa Médicis, à Rome, de 1935 à la guerre de 1939.
Démobilisé en 1940, Claude BOUSCAU revint à Paris, où il poursuivit une double carrière de sculpteur-statuaire et de professeur de dessin et de sculpture. Plusieurs de ses œuvres monumentales sont visibles à Arcachon, sa ville natale (notamment le Monument aux Marins Péris en Mer, au Port). Il a également sculpté divers monuments publics (notamment pour des constructions scolaires) ou privés (le plus vaste est un chemin de croix monumental, augmenté de scènes de la vie du Christ, qui fait tout le tour de l’église du Sacré-Cœur à Aurillac, dans le Cantal). Dans le quartier, l’on peut voir dans l’église Saint-Dominique (16, rue de la Tombe-Issoire, Paris XIVe), un bas-relief représentant l’Annonciation (cf. illustration ci-dessus). Claude BOUSCAU est également l’auteur de plusieurs médailles pour le compte de la Monnaie de Paris, qui les diffuse (Clovis, Louis VII, le Louvre de Pierre Lescot, l’Innocence, sainte Denise, le ski nautique…) Une grande partie de ses travaux sculptés, gravés, dessinés ou peints est conservée par sa famille.
Devant le « 40 » Square Montsouris se trouve une sculpture de Claude BOUSCAU. Elle représente le thème de Léda et le Cygne (selon la mythologie grecque la princesse Léda fut séduite par Zeus, le roi des dieux, qui s’était pour l’occasion transformé en cygne). Le sculpteur a taillé cette statue pendant son séjour à Rome. Elle est en travertin (la pierre utilisée à la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre, qui a la caractéristique de ne pas se patiner) et pèse environ une tonne. Le sculpteur l’a reproduite sur son ex-libris (ci-dessous).